Eymeraude Cordon Le Beurier
artiste plasticienne & cinéaste
Je cherche à faire sentir ce qui nous traverse, sans passer par le récit : des moments suspendus dans le flux du réel, où les enfants sont traversés par le souvenir, les sujets absorbés par leurs pensées intérieures et les spectateurs actifs face à ces “images pensives”. Toutes ces ellipses, ces manques diégétiques, ces silences, laissent un espace libre que chacun peut investir de sens.
J'interroge le potentiel narratif des images fixes et des images en mouvement en opérant un renversement. Dans mon travail photographique, une histoire est suggérée hors champ, comme s’il s’agissait d’arrêts sur image de films qui n’existent pas. A contrario, dans mon usage de la vidéo, au lieu d’une histoire qui se déroule grâce au défilement des images, il y a un mouvement circulaire qui enroule l’image sur elle-même et empêche la narration. C’est bien la mise en mouvement de l’imagination, plus que le mouvement des images elles-mêmes, qui participe à la construction d’un récit.
J'expose ces images sous la forme d’installation immersive, délimitée par un espace sonore dans lequel la frontière entre animé et inanimé est si ténue que l’on y sent les photographies soupirer et les vidéos retenir leur souffle. Des objets et éléments sculpturaux, prolongement des images, ponctuent l'espace et font dialoguer lieux réels et représentés.
Mes projets en cours explorent des photographies stockées dans mes disques durs, en attente. Qu’ont à nous raconter ces images restées muettes ? J’expérimente leur potentiel d’apparition, de révélation. Les archives deviennent alors des fantômes qui surgissent de ces boîtes noires pour éclairer notre présent. Désillusion, temporalités mêlées, émancipation, mémoire et disparition sont des thèmes que j’explore également dans mes films, qu’il s’agisse de drame réaliste ou de documentaire de création.

Hollywood upside down, photographie, 2011
Hollywood upside down, photographie, 2011